INNOVATion
petite mais vaillante
À première vue, il serait absurde de comparer une douille de suspension – qui fait à peine 15 cm de large – à une paire de baguettes. Pourtant, il y a plus de points communs entre les deux qu’il n’y paraît. Comme l’explique l’ingénieur Mazda Yasuyoshi Mushitani, les douilles de suspension sont bien plus complexes qu’il n’y paraît.
Sur la table cinq paires de baguettes sont rangées par ordre croissant de qualité, de la plus faible à la plus haute. La première paire provient d’une boîte Bento, la suivante d’un dépanneur. La troisième et la quatrième viennent de restaurants haut de gamme et, chose remarquable, la cinquième paire est constituée de baguettes en bambou fabriquées sur mesure par un utilisateur spécifique : Shunji Tanaka, le concepteur de la première Mazda MX‑5. Il a fallu à Tanaka environ 40 ans pour trouver le bon design. Elles sont disposées de telle sorte que Yasuyoshi Mushitani, l’ingénieur en chef principal du département de développement de la dynamique du châssis chez Mazda, puisse décrire l’importance d’une douille de suspension : une pièce de la taille de la main, pourtant essentielle, que l’on trouve dans la suspension de tout véhicule et qui ne ressemble guère à des baguettes.
Pourtant, s’enthousiasme Mushitani, les baguettes sont la représentation idéale de la façon dont le toucher, même à un niveau infime, peut être exploité pour la conduite. L’utilisateur sait instantanément quelle pression il doit exercer sur le plat et reçoit un retour tactile instantané sur les aliments touchés par les baguettes minces, effilées et légères. Même le matériau utilisé pour les fabriquer, comme le bambou, peut modifier le goût des aliments et la perception du repas dans son ensemble. On dit aussi que les baguettes devraient agir comme une extension du toucher humain, plutôt que comme un simple ustensile de table. Selon Mushitani, c’est cette similitude qui correspond à la philosophie de Mazda en matière de douilles de suspension : grâce à elles, le conducteur se sent plus à l’aise, maîtrise mieux son véhicule et ne fait qu’un avec lui, qu’il s’agisse d’affronter des routes vallonnées, des pistes accidentées ou des lacets serrés.
Pour les néophytes, une douille est une petite pièce de la suspension, conçue spécifiquement pour absorber les chocs de la route, réduire le bruit de roulement et contrôler le débattement du châssis lors de la conduite, en particulier en virage. Soulignons que ces éléments sont tout aussi importants que les sublimes carrosseries de la marque. Le fait que chaque douille joue un rôle aussi important dans un volume si compact est une autre merveille d’ingénierie.
Chaque petite pièce de la douille de suspension est essentielle pour réduire le bruit, contrôler le mouvement et négocier les virages en toute sécurité. (Image à titre d’illustration)
Pour cela, il faut remercier Mushitani. Sa vision du système de douille de suspension de Mazda est née peu après son arrivée chez Mazda en 1988, avec la sortie de l’emblématique MX‑5 un an plus tard, en 1989. Pourtant, ce ne sont pas les débuts de la MX-5 qui ont stimulé l’imagination de Mushitani lorsqu’il a intégré le département de dynamique des châssis en 1997. En fait, il est affecté au Mazda Titan Dash – un camion sorti des chaînes de production en 2000. Bien vite, il apporte quelques modifications au Titan Dash, notamment au niveau des douilles de suspension, afin de faire évoluer la robustesse typique de ce véhicule utilitaire vers une conduite plus douce et plus confortable. « J’ai juste changé la structure d’une douille et l’amélioration a été spectaculaire en termes de vibrations et de mouvements du véhicule, explique-t-il. Cette toute petite pièce a un énorme impact sur la conduite. »
Depuis trente ans, la trouvaille de Mushitani est perfectionnée et transmise à ses collègues, prouvant que les douilles de suspension ont un impact considérable sur la conduite, même lorsqu’elles sont seulement ajustées de 0,1 mm. Il s’agit d’améliorer le confort du conducteur et de communiquer avec lui, tout en « contribuant à la sécurité », poursuit-il. À l’inverse des stratégies visant à supprimer les vibrations et les données parvenant au conducteur, l’approche de Mazda en matière de douilles consiste à « communiquer » et à informer de l’état de la chaussée afin de prendre des décisions plus sûres au volant. À l’inverse, ce retour d’information ne doit pas être source de gêne pour les occupants du véhicule, et l’approche de Mazda en matière de douilles constitue le juste milieu entre information et discrétion. Confortable et sûre, elle offre une véritable expérience Jinba Ittai entre la voiture et le conducteur.
« Pour déterminer la géométrie et la configuration de la douille, nous dépendons de nos sens. En matière de douilles, tout est affaire d’intuition et de simplicité. »
Ce qui est plus surprenant, c’est que le processus de fabrication d’une douille ne se résume pas à la fabrication de pièces. Au contraire, comme le décrit Mushitani, le facteur humain reste essentiel pour définir les mesures et les angles corrects dans chaque prototype de douille avant la fabrication. « Pour déterminer la géométrie et la configuration de la douille, nous dépendons de nos sens, explique-t-il. En matière de douille, tout est affaire d’intuition et de simplicité. »
C’est ce lien et cette communication entre la voiture et le conducteur que Mazda continue de défendre. En matière de douilles, il s’agit d’une relation aux bénéfices mutuels entre le véhicule et son conducteur. Par le biais de la suspension, de la tenue de route et de la dynamique, le véhicule communique avec le conducteur, qui s’adapte et garde sa maîtrise. « Le véhicule ne doit pas devenir trop sophistiqué, conclut Mushitani. Car si ses performances sont trop bonnes, le conducteur se sent ‘piloté’ par sa voiture, alors que c’est lui qui devrait la piloter. Cela nous ramène à notre philosophie Jinba Ittai. » En gardant la sécurité à l’esprit et en permettant au conducteur d’éprouver le plaisir de la conduite, cette petite douille de suspension résume tout ce qu’il faut savoir sur Mazda.
Texte Ed Cooper / Lol Keegan
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