INSPIRATION

Mazda ET LA calligraphIE : LA FORCE DU PINCEAU

La calligraphie traditionnelle, si appréciée dans le Japon moderne, a été choisie pour exprimer les principaux concepts de la philosophie du design de Mazda.

La calligraphie est l’art de coucher des mots sur le papier avec un pinceau et de l’encre. Mais pourquoi ce vénérable système d’écriture a-t-il perduré malgré l’invention de méthodes de communication plus rapides et plus efficaces ? Avec l’avènement des claviers, des téléphones intelligents, des messageries instantanées et des logiciels capables de traiter les subtilités du japonais écrit, plus personne au Japon n’a besoin de recourir au pinceau et à l’encre pour exprimer ses pensées. Pourtant, le shodo – l’art d’écrire au pinceau – a conservé sa place parmi les précieux arts traditionnels du Japon, mais aussi comme outil de la vie moderne et du commerce.

« La calligraphie a survécu parce qu’il y a une beauté fondamentale dans les caractères », explique Koji Sakamoto, collaborateur du département gestion du style de la marque de la division du design au siège de Mazda, à Hiroshima, au Japon. « Lorsqu’on écrit avec un pinceau et de l’encre, on exprime des sentiments et des sensibilités impossibles à transmettre par le mot imprimé. »

La calligraphie à l’encre et au pinceau est née en Chine et a été introduite au Japon au début du Ve siècle. Parmi les idées qui l’accompagnaient, il y avait le concept des quatre réussites : une personne cultivée devait maitriser la peinture, les échecs, la musique et la calligraphie.

C’est un ingénieur de la marque qui a créé les nouvelles versions calligraphiées des principales philosophies de Mazda. Lorsque Kazuo Nishikawa a peint les caractères du Jinba Ittai (photo du bas), qui exprime l’harmonie parfaite entre un cavalier et sa monture, il a fait appel à toute sa concentration, à ses compétences de calligraphe, mais aussi à ses décennies d’expertise dans la conception de l’expérience de conduite supérieure de Mazda. Les caractères pour le Kodo (photo du haut), un mot inventé à partir des caractères japonais pour « âme » et « mouvement », présentaient un défi particulier, car l’équipe de conception a demandé à Nishikawa de transformer le coupé concept Vision de Mazda en calligraphie. Nishikawa a peint ces mots plus de 300 fois avant de parvenir à l’équilibre entre élégance, stabilité et mouvement qui définit le coupé Vision.

« Le shodo est un univers qui compte seulement deux couleurs, le noir et le blanc. On crée avec l’encre mais aussi avec l’espace que l’on laisse intact. »

KAZUO NISHIKAWA

Au Japon moderne également, ceux qui écrivent avec élégance sont respectés et même admirés. L’apprentissage du maniement du pinceau et de l’encre fait partie de l’enseignement obligatoire, et les familles envoient leurs enfants suivre des cours du soir après l’école. Les adultes aussi s’inscrivent à des cours de shodo ou étudient avec un professeur particulier, parfois comme passe-temps ou pour leur enrichissement personnel, mais souvent par désir de savoir composer d’une belle main leurs cartes de vœux du Nouvel An. Les grands magasins emploient des personnes compétentes en calligraphie pour écrire les messages personnalisés qui accompagnent les cadeaux. Dans les meilleurs restaurants japonais, le menu du jour peut être écrit chaque matin au pinceau et à l’encre sur du papier washi.

« Même si vous ne savez pas lire ce qui est écrit,
le sens se communiquera à vous. »

Rie Takeda

Tout le monde peut succomber à la beauté de la calligraphie japonaise, affirme Rie Takeda, une artiste qui a appris le shodo dans son enfance, au Japon, avant de s’installer en Europe il y a plus de vingt ans. Aujourd’hui établie en Allemagne, elle crée des œuvres qui associent la calligraphie à d’autres techniques, notamment la peinture et le collage, tout en enseignant la technique du pinceau à des étudiants internationaux. Outre des cours privés et collectifs, elle propose un cours très apprécié sur Domestika, la plateforme d’apprentissage en ligne qui compte des millions d’abonnés.

« Il n’est pas nécessaire de connaître le japonais pour apprécier la calligraphie, déclare Takeda. La puissance du shodo réside dans son adhésion aux principes de base de l’esthétique japonaise, notamment l’élégance des lignes, l’équilibre de la composition et l’utilisation habile des espaces vides. Ce sont les fondements du design japonais qui ‘parlent’ à tout le monde. »

Ce sont également les bases de la philosophie de Mazda « Kodo : l’âme du mouvement ». Pour préparer le lancement du Kodo en 2010, la société a fait appel à un calligraphe pour créer le graphisme des principaux concepts en japonais. « Nous savions que la calligraphie aurait plus d’impact que quelque chose dans une police imprimée ordinaire, explique Sakamoto. Lancer un logo conceptuel, c’est comme lancer une voiture; il est important de faire une impression forte et immédiate. »

En 2018, lorsque l’équipe de conception de Mazda a décidé de mettre à jour la calligraphie du Jinba Ittai, elle a puisé à une source inédite de talents au sein de l’entreprise. Elle s’est souvenue que lors d’une fête de fin d’année quelques années auparavant, des employés avaient fait étalage de leur talent. Kazuo Nishikawa, ingénieur au centre de recherche technique, avait déroulé une grande feuille de papier sur le sol de la salle de banquet. Il avait ensuite donné une performance dynamique avec un pinceau et de l’encre, créant, en quelques minutes seulement, une œuvre de calligraphie japonaise saisissante.

Nishikawa aime la calligraphie depuis son enfance et en a fait un passe-temps, mais il n’avait jamais fait de calligraphie professionnelle pour Mazda. Pourtant, l’équipe de style de la marque lui a confié la nouvelle calligraphie. Sakamoto dit : « C’était un énorme avantage pour nous de pouvoir travailler avec quelqu’un de l’entreprise. En effet, Nishikawa est compétent en calligraphie et il comprend parfaitement la philosophie du design Mazda car il l’applique au quotidien. »

Nishikawa a relevé des similitudes entre sa collaboration de six mois avec l’équipe de style de la marque et son travail habituel d’ingénieur. « Mazda se focalise sur la coneption des voitures pour créer une atmosphère élégante et raffinée en éliminant tout ce qui est superflu, explique-t-il. La calligraphie, elle aussi, est guidée par une esthétique ‘minimaliste’ inhérente aux arts traditionnels japonais. Grâce à ces points communs, il a été plus facile que prévu de discuter de la manière d’équilibrer la lumière et l’obscurité, par exemple, et d’utiliser l’espace entre les coups de pinceau. »

Les concepteurs de Mazda se sont également inspirés des coups de pinceau de la calligraphie. Il existe, en effet, des mouvements de pinceau appelés tome (prononcé to-mé), qui signifie arrêter et collecter l’énergie, et harai (prononcé hah-raï), qui signifie balayer ou libérer. Le profil latéral du Mazda CX-30, par exemple, donne cette impression de « charge et libération », comme si un grand coup de pinceau poussait vers l’arrière l’énergie accumulée à l’avant, créant ainsi une impression de mouvement.

Sakamoto pense qu’à l’avenir, Mazda continuera à « insuffler la vie à la voiture », comme une tradition permanente. « Et l’esthétique japonaise et la beauté qui existent dans l’équilibre délicat inhérent à la calligraphie sont en phase avec notre philosophie de conception. »


Texte Alice Gordenker / Images Alun Callendar

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